mercredi 19 décembre 2007

ATMOSPHERE, davantage qu'une gueule





Une fois n'étant pas coutume, ce lieu devient temporairement le théâtre d'une jouissive autopromotion. Est ainsi évoqué le coffret de 5 CDs intitulé immodestement "ATMOSPHERE, 100 chefs-d'oeuvre de la chanson" publié voici peu par le label Discograph, ordinairement spécialisé dans la découverte de jeunes talents pointus.

Comme quoi on peut aimer Brisa Roché, Olivier Libeaux ou Giovanni Mirabassi et trouver du charme aux rengaines que nos grands-parents fredonnaient gaiement quand nous attendions la visite du Père Noël en y croyant encore...

Loin de présenter l'exhaustivité de la production phonographique antérieure aux années 60, cette sélection de titres est rendue possible par une loi qui stipule qu'un enregistrement sonore se voit décerné le statut de "domaine public" dès 50 années d'exploitation révolues. Ainsi, il est aujourd'hui envisageable de commercialiser les premières oeuvres de Mistinguett ou Dalida, de Yves Montand ou Dario Moreno, sans avoir besoin d'en négocier les droits auprès du producteur original, tout comme n'importe quel éditeur peut publier à son aise Molière, Balzac ou Zola. Cet état de fait est violemment combattu par l'industrie du disque qui se trouve contrainte à devoir partager ses trésors. Le débat fait rage et chacun voit midi à sa porte. L'industrie souhaite prolonger les droits sur ses enregistrements. Cela peut, à première vue, répondre à une logique. Pourtant, il faut reconnaître les lacunes d'une confrérie qui néglige, sciemment ou pas, tout un pan de son histoire. On compte effectivement par milliers les oeuvres enregistrées que les producteurs, par souci de rentabilité immédiate, se refusent à rééditer. Pour une centaine de compilations d'Edith Piaf réalisées depuis sa mort, combien de disques de Lina Tosti, cette corse joviale, spécialisée dans le répertoire de Tino Rossi? Ne vous épuisez pas à chercher, il n'en existe pas! Si de passionnés amateurs n'avaient exhumé leurs collections de 78 tours, il n'existerait pas non plus de CD consacrés à Andrée Turcy, fantaisiste marseillaise hors pair, ni de Zappy Max, dont la voix enthousiasma longtemps les auditeurs du jeu radiophonique "Le quitte ou double", pas plus que de Henri Genès qui fit la joie des spectateurs du cabaret dans les années 50... Citons encore, puisqu'on les retrouvent dans les différents volumes de ce coffret, les duettistes Charpini et Brancato, l'averti et l'inverti, qui puisèrent dans le répertoire lyrique les instants légers, graciles, tout en provoquant, quand il le fallait, la grave émotion. N'ignorons pas Nitta-Jo au registre iconoclaste, tout aussi vibrante que Damia et Fréhel réunies, même si Berthe Sylva la supplanta nettement en popularité.

L'occasion est trop belle de se remémorer l'éclatant swing de Ginette Garcin lorsqu'elle chantait au sein de l'orchestre de Jacques Hélian, aux côtés du crooner Jean Marco; la grâce des Soeurs Etienne, fameuses dans leurs adaptations du répertoire Latino: la bonhomie de Fernand Sardou que de rares disques de cire conservent encore; la perfection de Lys Gauty ou de Germaine Montero, ces femmes qui imposèrent de grands auteurs auprès d'un public avide; la sublime voix d'Eliane Embrun; l'accent troublant de Raquel Meller...etc.

Tous ces chefs-d'oeuvre dormiraient outrageusement au fond des caves et des greniers sans cette fameuse loi sur le domaine public, et l'histoire du music-hall se résumerait aux artistes ayant vendu le plus de disques à une époque où la scène, la radio et la vente de partitons comptaient bien davantage que les chiffres d'une industrie qui, déjà, semble appartenir à une page d'histoire, faute, peut-être, d'avoir négligé la sienne...?

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