Ici, c'est la voix de Denise Colomb. Elle parle, tout du moins, elle évoque Colette Thomas lisant des pages d'Antonin Artaud. Des mots venus d'ailleurs, d'avant, de quand elles étaient vivantes. La voix de Denise se faufile, sur le titre "It must be a sign" au coeur d'un album somptueux signé Christophe, ce Cyril Scott de la variété française.
Là, c'est la gouaille de Caroline Loeb, rescapée des sommets du Top 50, ce classement qui érigea ses icônes pour mieux les viser en doublé PULL/MARK, petits 45 tours convertis en plateaux de tir sportif. Au travers de Caroline, ce sont les voix de Mae West, Arletty, Marlène Dietrich ou Tallulah Bankhead qui jaillissent en hommages parfaits et mots d'esprit tordants. Le spectacle dans lequel on l'attendait depuis longtemps s'appelle "Mistinguett, Madonna et moi". Chaque soir, il fait salle comble au festival d'Avignon.
Là, c'est la gouaille de Caroline Loeb, rescapée des sommets du Top 50, ce classement qui érigea ses icônes pour mieux les viser en doublé PULL/MARK, petits 45 tours convertis en plateaux de tir sportif. Au travers de Caroline, ce sont les voix de Mae West, Arletty, Marlène Dietrich ou Tallulah Bankhead qui jaillissent en hommages parfaits et mots d'esprit tordants. Le spectacle dans lequel on l'attendait depuis longtemps s'appelle "Mistinguett, Madonna et moi". Chaque soir, il fait salle comble au festival d'Avignon.
Est-ce incongru de relier ces deux timbres? Celui, posé, tout à la fois rural et aristocratique, d'une Denise Colomb émue par ses souvenirs, et l'autre, tonique et sonore, fleurant la gouaille et le bitume, d'une Caroline Loeb envoûtée par les paréidolies qu'elle provoque chez le spectateur? Pas vraiment. Caroline Loeb n'est autre que la petite-nièce de Denise Colomb. Le clin d'oeil est amusant. Au moment où l'une effectue son retour sur scène en tant que chanteuse, l'autre amorce (certes post-mortem et involontairement) une aventure musicale. Toutes deux rappellent à notre souvenir le passage sur terre de quelques personnages exceptionnels.
DENISE COLOMB
L'amour d'Antonin Artaud enfiévra-t-il le cerveau de Colette Thomas jusqu'à la folie? L'état psycholigique de celle qui publia "Le testament de la fille morte" (Gallimard, 1954) n'était pas des plus valeureux, avant même 1946, date de sa rencontre avec le concepteur du "théâtre de la cruauté". L'écrivain fascina la jeune comédienne. Denise Loeb dite Denise Colomb fut l'un des témoins de leur relation : "Quand elle lisait Artaud, alors ça c'était sublime! ".
Le visage supplicié d'Artaud nous est aujourd'hui familier. Nous le devons en grande partie au travail photographique de Denise Colomb, femme qui traversa le XX° siècle sans omettre d'en croiser les génies. Ses grands-parents paternels, de petits horlogers de Strasbourg, lui donnèrent un père Français. Côté maternel, la guerre de 1870 amputant momentanément de l'hexagone et l'Alsace et la Lorraine, fit facétieusement naître Allemande une mère pourtant originaire de Bisheim. Le jeune couple partit s'installer à Paris où naquirent les jumeaux Pierre et Edouard en 1897. Denise attendit sagement que le siècle soit amorcé pour voir le jour, en avril 1902. La passion dévorante de Pierre pour l'art moderne allait bouleverser le destin de cette fratrie. Pour sûr, il y eût bien des velléités artistiques dans cette famille. Le père avait abandonné sa vocation de comédien au profit d'un commerce de dentelles - sacrifice récompensé par la boutique florissante dont le succès fit des envieux. Son frère Jules Loeb suivit sa passion qui le conduisit à devenir premier violoncelle de l'Opéra de Paris. Il s'enorgueillissait d'avoir compté Pablo Casals parmi ses élèves du Conservatoire. C'est d'ailleurs la voie première que décida de suivre sa nièce, Denise Loeb. Fut-elle une violoncelliste douée?
En 1924, Pierre Loeb ouvrit la Galerie Pierre, inaugurée par une exposition de Pascin. L'année suivante, Miró et la peinture surréaliste furent à l'honneur. Pendant dix ans, Denise va fréquenter les amis de ses frères, Picasso, Eluard, Aragon, Ernst, Breton, Artaud, Man Ray, Paul Klee, Dufy, Braque... La liste est vertigineuse. Lors de son séjour en Indochine en 1935, Denise réalise ses premières photographies. Elle adopte le pseudonyme de Denise Colomb pendant la seconde guerre mondiale. Deux ans après l'armistice, Denise commence à saisir Artaud dans son objectif. Soit il accepte de poser pour son amie, soit elle capte sa fougue créatrice, immortalisant son visage torturé tel un cep de vigne et ses longues mains noueuses comme les troncs des figuiers. Ses grands doigts se prolongent parfois d'un fusain crayonnant le visage de Pierre ou de sa fille, Florence Loeb. Le Ministère de la Culture récupérera plus de 50.000 négatifs lorsque Denise Colomb cédera à l'Etat Français l'ensemble de son oeuvre en 1991, inestimable témoignage sur les responsables d'une partie de l'histoire de l'art. Digne et toujours coquette, Denise s'éteindra en 2004, quelques semaines avant ses 102 ans.
CAROLINE LOEB
Caroline Loeb est une incarnation moderne de Mistinguett et d'Arletty. Il est logique qu'elle leur clame une admiration fervente. Ni l'une ni l'autre pourtant n'a fréquenté la dynastie des Loeb. Lorsqu'Albert Loeb, fils de Pierre, se sentit atteint du virus paternel de l'art contemporain, il préfèra installer sa galerie à New York pour ne point souffrir des immanquables comparaisons. C'était aller vite en besogne. Les critiques d'art ne s'embarrassèrent pas de détails aussi insignifiants qu'un océan, tout Atlantique fût-il. Cette expatriation permit à Caroline de grandir au milieu des buildings, face à Central Park, de maîtriser parfaitement la langue anglaise, et de tomber raide dingue des musicals américains, "Le magicien d'Oz" en tête. Quand elle revint à Paris, l'adolescente manqua de défaillir face aux deux chaînes de télévision en noir et blanc, elle qui n'ignorait rien du zapping. Et les shows de Guy Lux supportaient difficilement la comparaison avec les étonnantes émissions "coast to coast" animées par Sinatra, Nat King Cole ou Jerry Lee Lewis.
En dépit de ces années en Amérique, Caroline Loeb demeure gouailleuse, parigote de bas en haut, où si l'on préfère, de Montmartre aux Catacombes. Prévert et Audiard auraient adoré. D'abord actrice, elle fit ses débuts aux côtés d'Isabelle Adjani et Francis Huster, apparaissant dans quelques films de James Ivory, Jacques Demy ou Adolfo Arrieta. Styliste, elle n'eût d'yeux que pour Kenzo et Gaultier avant d'enregistrer un album pour Michaël Zilkha, fondateur du label Ze Records puis le tube "C'est la ouate", refrain qui entêta au moins quatre des cinq continents. Se dirigeant vers la mise en scène, elle permit à Judith Magre d'accroître sa collection de Molière grâce à la pièce "Shirley" que Caroline adaptât des carnets de la peintre pointilliste Shirley Goldfarb. La chanson, c'était pour les autres désormais, ceux qu'elle dirgeait sur scène, les Lio, Viktor Lazlo, Michel Hermon, Weepers Circus ou autre Edwige Bourdy.
Les Loeb sont décidément nés pour festoyer aux meilleures tables. Un Bertrand Belin, une Elisa Point, un Marcel Kanche relevé de pointe de Weepers nappé d'une sauce Néry au Chet, et voici le menu idéal d'un nouvel album, la préparation d'un spectacle pour de nombreux convives et l'hommage rendu aux grands chefs des cabarets, cafés-concerts et autre music-hall du monde. Devrait-on dire aux chefesses puisque les coups de chapeau-claque s'adressent ici aux femmes de spectacle, Yvette Guilbert ou Régine, Madonna ou Birkin, Annie Cordy ou Joséphine Baker, de celles dont on dégustât la cuisine nouvelle en se pinçant le nez avant d'y succomber et d'en orner ad vitaem une carte de renommée mondiale.
Dans le train qui vous mènera dans les ruelles d'Avignon pour applaudir la Loeb dans "Mistinguett, Madonna et moi", n'oubliez pas d'emporter "Aimer ce que nous sommes", l'album de Christophe. De quoi voyager plusieurs fois.
Caroline Loeb est une incarnation moderne de Mistinguett et d'Arletty. Il est logique qu'elle leur clame une admiration fervente. Ni l'une ni l'autre pourtant n'a fréquenté la dynastie des Loeb. Lorsqu'Albert Loeb, fils de Pierre, se sentit atteint du virus paternel de l'art contemporain, il préfèra installer sa galerie à New York pour ne point souffrir des immanquables comparaisons. C'était aller vite en besogne. Les critiques d'art ne s'embarrassèrent pas de détails aussi insignifiants qu'un océan, tout Atlantique fût-il. Cette expatriation permit à Caroline de grandir au milieu des buildings, face à Central Park, de maîtriser parfaitement la langue anglaise, et de tomber raide dingue des musicals américains, "Le magicien d'Oz" en tête. Quand elle revint à Paris, l'adolescente manqua de défaillir face aux deux chaînes de télévision en noir et blanc, elle qui n'ignorait rien du zapping. Et les shows de Guy Lux supportaient difficilement la comparaison avec les étonnantes émissions "coast to coast" animées par Sinatra, Nat King Cole ou Jerry Lee Lewis.
En dépit de ces années en Amérique, Caroline Loeb demeure gouailleuse, parigote de bas en haut, où si l'on préfère, de Montmartre aux Catacombes. Prévert et Audiard auraient adoré. D'abord actrice, elle fit ses débuts aux côtés d'Isabelle Adjani et Francis Huster, apparaissant dans quelques films de James Ivory, Jacques Demy ou Adolfo Arrieta. Styliste, elle n'eût d'yeux que pour Kenzo et Gaultier avant d'enregistrer un album pour Michaël Zilkha, fondateur du label Ze Records puis le tube "C'est la ouate", refrain qui entêta au moins quatre des cinq continents. Se dirigeant vers la mise en scène, elle permit à Judith Magre d'accroître sa collection de Molière grâce à la pièce "Shirley" que Caroline adaptât des carnets de la peintre pointilliste Shirley Goldfarb. La chanson, c'était pour les autres désormais, ceux qu'elle dirgeait sur scène, les Lio, Viktor Lazlo, Michel Hermon, Weepers Circus ou autre Edwige Bourdy.
Les Loeb sont décidément nés pour festoyer aux meilleures tables. Un Bertrand Belin, une Elisa Point, un Marcel Kanche relevé de pointe de Weepers nappé d'une sauce Néry au Chet, et voici le menu idéal d'un nouvel album, la préparation d'un spectacle pour de nombreux convives et l'hommage rendu aux grands chefs des cabarets, cafés-concerts et autre music-hall du monde. Devrait-on dire aux chefesses puisque les coups de chapeau-claque s'adressent ici aux femmes de spectacle, Yvette Guilbert ou Régine, Madonna ou Birkin, Annie Cordy ou Joséphine Baker, de celles dont on dégustât la cuisine nouvelle en se pinçant le nez avant d'y succomber et d'en orner ad vitaem une carte de renommée mondiale.
Dans le train qui vous mènera dans les ruelles d'Avignon pour applaudir la Loeb dans "Mistinguett, Madonna et moi", n'oubliez pas d'emporter "Aimer ce que nous sommes", l'album de Christophe. De quoi voyager plusieurs fois.
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