"Elle est sûrement affreuse et mal foutue. Une énorme tête ronde, absolument disproportionnée à son corps. Une crinière de cheveux roux tout frisés, avec une mèche qui retombe sur le front. Très utile, cette mèche : elle obtient un effet comique en soufflant dessus, lorsqu'elle sent que ça ne rend pas bien au milieu d'une chanson. Maquillée comme un bébé JUMEAU, avec les cils peints en éventail autour des paupières. La voix est faubourienne, canaille, ébréchée par l'abus du "champ'". La vulgarité des gestes est soigneusement étudiée. Tout cela serait sans doute insupportable de la part d'une autre. mais il se dégage de la bonne femme une force comique telle que les plus délicats sont vite désarmés. (...) relevant sa jupe de la main gauche, elle se met à chanter des couplets bêtes à faire pleurer. Elle parvient pourtant à faire rire des gens qui, jusqu'à preuve du contraire, semblent parfaitement normaux."
Cette description précise et précieuse de la chanteuse Gaby Montbreuse émane de Georges van Parys, l'homme qui, durant trois années complètes, accompagna au piano quelques futures grandes vedettes au sein du cabaret "Chez Fysher". van Parys n'est pas encore le prolifique compositeur d'opérettes, de musiques et de chansons de films. En dépit de ses 22 ans à peine, il tient son journal depuis une dizaine d'années. Le document publié en 1969, vers la fin de sa vie, est épuisé et introuvable. Dommage. Il recèle foultitude d'anecdotes sur les coulisses du métier de compositeur. Contrairement au sentiment dégagé par la lecture de cet extrait, les deux pleines pages consacrées à Gaby Montbreuse sont empreintes d'estime et d'affection.
Bien avant de composer pour Mouloudji ("La complainte des infidèles", "Un jour, tu verras"), pour Arletty et Michel Simon ("Comme de bien entendu"), pour Maurice Chevalier ("Mimile", "ça s'est passé un dimanche"), pour Cora Vaucaire ("La complainte de la butte") ou pour Henri Garat ("C'est un mauvais garçon"), entre cent autres interprètes prestigieux, van Parys fit ses gammes Rue d'Antin de 1924 à 1927, derrière les débutantes Yvonne George, Lucienne Boyer et notre fameuse Gaby Montbreuse. Las, cette dernière semblerait tapisser le tréfonds du panier des artistes oubliés si Denis D'Arcangelo ne lui consacrait, dans son spectacle "Madame Raymonde", un hommage appuyé et mémorable.
L'acteur génial, boudiné par le costume austère de la chanteuse réaliste accouchée des bas-fonds, interpelle méchamment son public d'une gouaille toute parigote, la moue méprisante surplombant le regard assassin : "Kwââââ? Vous ne connaissez donc pas Gaby Montbreuse?". Offusquée, Madame Raymonde recense alors les succès considérables de cette bonne Gaby, jusqu'à l'intemporel "Je cherche après Titine", emprunté tout à la fois par Charlie Chaplin et par inélégance dans le film "Les temps modernes" en 1936, des années après que Léo Daniderff ne l'eût composée pour celle qui était alors sa douce et tendre. La révérence de D'Arcangelo s'avère d'un enthousiasme qui laisse le néophyte pantois face à tant d'ignorance, au point qu'il doute de l'existence réelle de cette Gaby-là.
Gaby Montbreuse vécut bel et bien. Peu de temps, certes, puisque, née en 1895, elle ne commît pas l'imprudence de devenir quinquagénaire, usée d'un même amour des plaisirs qu'elle s'octroya et par ceux qu'en élans généreux elle offrit dispendieusement. Outre Titine, elle laissa quelques perles pour garnir le collier de la chanson française dont Tu m'as possédée par surprise, titre qui sied si bien à Madame Raymonde. Peu d'enregistrements permettent de réécouter Gaby Montbreuse aujourd'hui, et ceux que l'on parvient à chiner au détour d'une brocante ne rendent pas, paraît-il, le dixième du talent de la fantaisiste. Qu'importe. Nous nous contenterons des mots de van Parys et de l'interprétation de D'Arcangelo...
Cette description précise et précieuse de la chanteuse Gaby Montbreuse émane de Georges van Parys, l'homme qui, durant trois années complètes, accompagna au piano quelques futures grandes vedettes au sein du cabaret "Chez Fysher". van Parys n'est pas encore le prolifique compositeur d'opérettes, de musiques et de chansons de films. En dépit de ses 22 ans à peine, il tient son journal depuis une dizaine d'années. Le document publié en 1969, vers la fin de sa vie, est épuisé et introuvable. Dommage. Il recèle foultitude d'anecdotes sur les coulisses du métier de compositeur. Contrairement au sentiment dégagé par la lecture de cet extrait, les deux pleines pages consacrées à Gaby Montbreuse sont empreintes d'estime et d'affection.
Bien avant de composer pour Mouloudji ("La complainte des infidèles", "Un jour, tu verras"), pour Arletty et Michel Simon ("Comme de bien entendu"), pour Maurice Chevalier ("Mimile", "ça s'est passé un dimanche"), pour Cora Vaucaire ("La complainte de la butte") ou pour Henri Garat ("C'est un mauvais garçon"), entre cent autres interprètes prestigieux, van Parys fit ses gammes Rue d'Antin de 1924 à 1927, derrière les débutantes Yvonne George, Lucienne Boyer et notre fameuse Gaby Montbreuse. Las, cette dernière semblerait tapisser le tréfonds du panier des artistes oubliés si Denis D'Arcangelo ne lui consacrait, dans son spectacle "Madame Raymonde", un hommage appuyé et mémorable.
L'acteur génial, boudiné par le costume austère de la chanteuse réaliste accouchée des bas-fonds, interpelle méchamment son public d'une gouaille toute parigote, la moue méprisante surplombant le regard assassin : "Kwââââ? Vous ne connaissez donc pas Gaby Montbreuse?". Offusquée, Madame Raymonde recense alors les succès considérables de cette bonne Gaby, jusqu'à l'intemporel "Je cherche après Titine", emprunté tout à la fois par Charlie Chaplin et par inélégance dans le film "Les temps modernes" en 1936, des années après que Léo Daniderff ne l'eût composée pour celle qui était alors sa douce et tendre. La révérence de D'Arcangelo s'avère d'un enthousiasme qui laisse le néophyte pantois face à tant d'ignorance, au point qu'il doute de l'existence réelle de cette Gaby-là.
Gaby Montbreuse vécut bel et bien. Peu de temps, certes, puisque, née en 1895, elle ne commît pas l'imprudence de devenir quinquagénaire, usée d'un même amour des plaisirs qu'elle s'octroya et par ceux qu'en élans généreux elle offrit dispendieusement. Outre Titine, elle laissa quelques perles pour garnir le collier de la chanson française dont Tu m'as possédée par surprise, titre qui sied si bien à Madame Raymonde. Peu d'enregistrements permettent de réécouter Gaby Montbreuse aujourd'hui, et ceux que l'on parvient à chiner au détour d'une brocante ne rendent pas, paraît-il, le dixième du talent de la fantaisiste. Qu'importe. Nous nous contenterons des mots de van Parys et de l'interprétation de D'Arcangelo...
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